C’était une année fertile pour le blé, comme jamais par le passé. C’était une telle abondance...
C’était une année fertile pour le blé, comme jamais par le passé. C’était une telle abondance...
Les malades chroniques, qui de toute façon désiraient mourir, consignèrent finalement avec un sourire leur âme à Dieu, leur âme à Dieu, leur âme à Dieu .
Les jours de grands orages, le ciel était rouge.
La pluie ramenait avec elle la poussière des déserts outre-mer.
Les vieux dirent : ce sera la guerre !
Les vieux dirent : ce sera la guerre !
Personne ne prêta attention à leurs mots, et personne ne fit rien.
PERSONNE NE FIT RIEN !
Que pouvait-on faire contre la prophétie ?
Nous avons seulement chanté pendant des journées entières.
Nous avons chanté pendant des journées entières.
Jusqu’Ã rester sans voix.
Pour pouvoir consumer toutes les vieilles chansons, pour qu’il n’en reste aucune qui soit salie par le temps.
Pour qu’il n’en reste aucune.
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Quand elles entrevoient le premier cadavre dans la rue, les personnes tournent la tête.
Elles vomissent et perdent connaissance.
Tu sens d’abord le tremblement dans les genoux, puis l’air te manque, la tête te tourne.
Un peu d’eau froide et quelques gifles peuvent aider dans ces cas-là .
Si la personne évanouie ne revient pas à elle, étendez-la sur le sol et soulevez-lui les jambes en l’air.
Si le cadavre de ce jour-là était un de ses parents ou un de ses proches, ne lui permettez pas de s’approcher et de le regarder.
Les blessures causées par les grenades sont en général cause d’un nouvel évanouissement.
Les blessures causées par les grenades sont en général cause d’un nouvel évanouissement.
Et il n’y a pas beaucoup de temps à disposition. Jamais.
Et il n’y a pas beaucoup de temps à disposition. Jamais.
Et il est recommandé de pleurer.
Et il est recommandé de pleurer.
Et il est recommandé de pleurer.
Ça soulage le cœur.
Mais même pour ça il n’y a pas beaucoup de temps à disposition.
Il n’y a jamais beaucoup de temps à disposition.
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Si la ville est en état de siège, il convient d’envoyer les plus courageux tenter de porter des linceuls ou des sacs pour les cadavres.
Si ceux-là ne reviennent pas, il faut recouvrir les morts d’un linceul blanc.
J’insiste : il faut recouvrir les morts, soit avec les sacs prévus, soit avec des linceuls blancs.
On ne peut pas les enterrer sans.
Il n’est pas recommandé de les ensevelir sans.
Ça sème la panique.
Ça sème la panique.
La peur de la mort devient facilement la peur d’être enseveli de la même manière, sans un morceau de drap blanc, sans même un morceau de plastic noir autour du corps.
La sépulture se déroule la nuit, toujours, souvenez-vous en.
La sépulture se déroule la nuit, pour des raisons de sécurité.
Avant de procéder à la sépulture, il est important de s’assurer de l’identité du défunt.
Dans le cas de corps déchiquetés, il faut définir avec précision quelles parties appartiennent à quel corps.
Si l’on s’aperçoit ultérieurement qu’il y a eu des erreurs, il vaut mieux éviter de l’admettre.
Il ne faut jamais reconnaître une erreur.
De toute façon, pour les morts, c’est pareil.
Si près de la personne qui a été ensevelie, sur le lieu de l’exécution, on retrouve des fragments du corps alors qu’on a déjà pourvoyé à la sépulture, il ne faut pas jeter les restes dans les ordures.
Il ne faut pas jeter les restes dans les ordures.
Parce qu’ensuite, en général, arrivent les chiens affamés.
Ensuite arrivent les chiens affamés.
La meilleure chose à faire, si quelqu’un en a le temps et l’envie, est de récolter dans un sachet tout ce qui est resté et de l’enterrer en superficie près de la tombe.
Il faut être attentif à ce que les proches ne s’aperçoivent de rien, car ils considèrent le cadavre comme une seule entité, et une telle fragmentation représenterait pour eux une ultérieure et douloureuse frustration.
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En guerre, personne n’est fou. Ou du moins cela ne peut-il être affirmé à propos de quiconque.
Beaucoup de ceux qui étaient fous autrefois ont en temps de guerre un comportement exemplaire, tels des combattants courageux, et ils sont convaincus des idées de leurs chefs.
En guerre, personne n’est intelligent.
Tu ne dois croire aux vérités de personne.
Les longues argumentations sur le non-sens de la violence du professeur d’autrefois, en un battement de cil, se transforment en un sauvage cri de guerre.
A peine prends-tu connaissance de ce fait que ton enfant est touché, mort, dans la rue.
Ne te rappelle de rien.
Essaye de dormir dans sommeil.
Entoure-toi d’amulettes.
Et aie foi dans le fait qu’elles t’aideront.
Aie foi dans n’importe quel signe.
Aie foi dans n’importe quel rêve.
Ecoute attentivement ton ventre, oui, ton ventre : tes tripes !
Agis selon tes sensations.
Si tu penses qu’il ne faut pas aller par cette rue-ci, prends une autre rue : décampe !
Tu ne dois avoir peur de rien.
La peur génère la peur.
La peur génère la peur.
Ça te bloque.
Tu dois croire fermement avoir été prédestiné à rester en vie.
Ne laisse pas de travaux en cours.
Paye tes dettes.
Tu dois être propre.
Toujours.
Ne lie pas de nouvelles amitités.
Déjà avec les anciennes tu auras assez de préoccupations.
Protège tes souvenirs, tes photographies, les preuves écrites du fait que tu as existé.
Si tout brà »le, tu perds tout.
S’ils te prennent tout, tu devras te démontrer à toi-même qu’un jour, tu as existé.
Amasse tout ce que tu peux dans des sachets plastic.
Enfouis dans la terre, mure dans les parois, cache.
Et seulement aux personnes qui te sont chères, dévoile la carte pour rejoindre le trésor.
Ne te lie pas aux choses.
Ne te lie pas à la terre.
Ne te lie pas aux murs.
Ne te lie pas aux maisons.
Aux bijoux.
Aux voitures.
Aux objets d’art.
Aux bibliothèques.
Transforme en argent tout ce qui a encore en prix.
Transforme en argent tout ce qui a encore en prix.
Et toutefois, ne te lie d’aucune façon à l’argent.
Ne te lie pas à l’argent !
A la première occasion, échange-le contre ta liberté.
A la première occasion, échange-le contre ta liberté.
Ça te servira.
Pour l’échanger contre ta liberté.
« Indicazioni stradali sparse per terra  », Nedzad Maksumic, cittadino europeo di Mostar
« Indications routières éparpillées par terre  », Nedzad Maksumic, citoyen européen de Mostar.