Récit des événements d’après Benjamin, une des victimes
Après avoir participé, le 14 décembre dernier, à la manifestation organisée en signe de protestation contre le "Sommet de Laeken", le sommet de clĂ´ture de la présidence belge de l’Union européenne, nous nous trouvions, aux environs de 14h30, à l’entrée du site "Tour et Taxi" pour assister au concert qui devait s’y tenir.
Vers 15h, nous sommes sortis du site et nous avons constaté que les rues aux alentours étaient barricadées par des policiers, des combis et des auto-pompes. Nous avons appris qu’il s’agissait des barrages filtrants alors nous nous sommes dirigés vers un des barrages pour nous frayer un passage, mais la situation n’était guère rassurante. Nous avons donc décidé de revenir sur nos pas et d’attendre, à l’intérieur du site de "Tour et Taxi", que la situation se calme. En regardant derrière nous, nous avons aperçu un groupe de policiers qui se dirigeait vers nous à grands pas. Ce groupe a tout à coup accéléré la cadence, s’est mis à courir et à arrêter des personnes ou même de petits groupes de façon totalement arbitraire. Mes camarades et moi avons alors fuit en courant.
Peu après, nous avons constaté que la situation s’était calmée aussi vite qu’elle avait dégénérée. Nous avons contacté des membres du "Légal Team" (équipe des avocats) sur place pour leur raconter notre mésaventure et la manière d’agir de la police. Ensuite, nous nous sommes restaurés quelque peu et avons rejoint le chapiteau installé sur le site. Environ une heure plus tard, une nouvelle se répandit dans le public : "la police tente de rentrer dans le site". Nous nous sommes donc dirigés vers la sortie du site, mais le portail d’accès avait été barricadé par le public et une auto-pompe se trouvait stationnée devant ainsi qu’un escadron de policiers. L’auto-pompe avait arrosé le public et le sol, gelé, était devenu de la glace.
Pendant ce temps, les organisateurs (D14, Attac et les ONG) ainsi que leur service d’ordre et le "Légal Team" tentaient de négocier le retrait de la police. Quelques minutes après notre arrivée, et suite aux négociations, la troupe de policiers et l’auto-pompe se sont retirés. La porte a été rouverte et les manifestants ont pu quitter le site.
Il était environ 16h15 lorsque nous avons pu sortir de "Tour et Taxi", mais les voies d’accès au terrain, la rue Picard et l’avenue du Port, étaient toujours barrées par la police. Environ un quart d’heure plus tard, ils ont rouvert l’avenue du Port, que nous avons aussitĂ´t empruntée, vu qu’il s’agissait de la seule issue restée libre. Au premier coin de rue, un groupe d’à peu près dix hommes en civil se sont alors rués sur nous, nous plaquant brutalement au sol. Nous avons pensé qu’il s’agissait de Skinheads (les hommes étaient plutĂ´t baraqués et plusieurs d’entre eux avaient la tête rasée), mais par après, ils nous ont dit appartenir à la police. Alors que nous ne résistions pas, et avions clairement exprimé notre intention de ne pas résister, ils ont agi avec une violence extrême. Ainsi, l’un d’eux a mis un genou sur le visage de Marek et un autre sur ses jambes, alors qu’il gisait au sol. Toujours plaqué au sol, Niels a reçu plusieurs coups de pieds au visage, il saignait. Nous avons ensuite été ligotés, mains au dos au moyen de menottes en plastique. Plusieurs personnes ont été témoins visuels de la scène et certains ont pris des photos mais nous ne savons pas s’il s’agissait de simples citoyens, des représentants de la presse ou des membres de la police. Ensuite, ils nous ont relevés brutalement et dirigés, toujours courbés en deux, vers deux combis de la police stationnés près du pont.
Tout en marchant nous avons demandé la raison de notre arrestation. Ils nous ont répondu en allemand : "parce que vous n’êtes que de la merde". Nous avons alors réclamé le droit de manifester librement, ils nous ont répondu : "à Bruxelles, on ne manifeste pas !". En plus, ils nous ont traité de : "enculés", "trou de cul", et autres gentillesses. Un policier a même menacé Niels de le jeter au canal tout en disant que nous n’allions pas nous en sortir vivant !.
Une fois à cĂ´té des combis, nous avons été fouillés une première fois. Ensuite, nous avons dĂ » monter dans les véhicules et nous y tenir à genoux. A l’intérieur, il y avait un autre policier en civil. Ils n’arrêtaient pas de nous insulter et humilier par des expressions à caractère sadique et fasciste. Ils nous ont frappé sur la tête et nous ont agoni d’injures et de menaces diverses. Un policier a même tiré sur le "piercing" que portait Marek. Ils ont même nommé des groupes néonazis allemands (comme StĂĽrkraft et autres), en disant qu’ :"ils admirent leur "travail", et ensuite ils ont chanté, toujours en allemand, des chansons appartenant à ces groupes. Nous avons ensuite été conduit au bureau de police sans connaĂ®tre, à aucun moment, les raisons de notre arrestation. Ils nous ont photographiés de force.
Nous étions sans nourriture pendant une période de 19 heures. Ce n’est que le lendemain, au parquet, que nous avons reçu une gaufre et un jus d’oranges.