"La théorie révolutionnaire est maintenant ennemie de toute idéologie révolutionnaire, et elle sait qu’elle l’est" (Debord 1967).
"Toute structure politique provisoire consécutive à une révolution requiert une dictature, une dictature énergique" (Marx & Engels 1871 ? ?). Certes, dans le cadre de la prise de pouvoir, cette Nécessité se confirme. Mais si nous sapons tous les fondements du pouvoir sans le prendre. Si nous le détruisons dans et par le ridicule de son système K, lequel s’affirme dans son inutilité flagrante. Est-ce encore une Nécessité ? Comment pourrait-on réaliser le moyen 6 (ETAT) si cette dictature prend la forme d’un Etat ?
"La condition que suppose tacitement la théorie de la dictature selon Lénine et Trotsky, c’est que la transformation socialiste est une chose pour laquelle le parti de la révolution a en poche une recette toute prête, qu’il ne s’agit plus que d’appliquer avec énergie. Par malheur - ou, si l’on veut, par bonheur -, il n’en est pas ainsi. Bien loin d’être une somme de prescriptions toutes faites qu’on n’aurait plus qu’à appliquer, la réalisation pratique du socialisme en tant que système économique, juridique et social, est une chose qui reste complètement enveloppée dans les brouillards de l’avenir" (Luxemburg 1918).
La révolution bolchevique nous a montré l’efficacité des organisation et structure léninistes. Très probablement, la pratique révolutionnaire sera basée sur l’idée vivace des soviets (etc.). Mais la théorie du centralisme démocratique et de son Etat prolétarien ne peut être retenue.
"La bataille ne se mène pas à la façon des militaires. Elle n’escompte ni défaite ni victoire, elle ne mise ni sur la tactique ni sur la stratégie, elle ne mobilise ni la force brutale ni la ruse. Elle ne repose sur aucun projet, aucun plan d’action" (Vaneigem 1996). C’est la voie difficile qui nous faudra emprunter.
Les organisations révolutionnaires se sont trahies elles-mêmes en élisant le système de pouvoir qu’elles voulaient abattre. Elles ont souvent été cadenassées ou récupérées par les pouvoirs qu’elles combattaient plus qu’elles n’ont été trahies par leurs élites. Car la confiscation d’une révolution par les structures hiérarchisées implique son préalable : la reproduction de l’ordre bourgeois avant d’orchestrer sa destruction. Nous manquions encore d’expériences ; "l’organisation révolutionnaire a dà » apprendre qu’elle ne peut plus combattre l’aliénation sous des formes aliénées" (Debord 1967).
N’oublions pas qu’une révolution n’a pas besoin d’une quelconque élite et se passe d’une quelconque avant-garde. Elle requiert simplement sa masse participante autant sa masse est désirante.
"L’organisation révolutionnaire ne peut être que la critique unitaire de la société, c’est-à -dire une critique qui ne pactise avec aucune forme de pouvoir séparé, en aucun point du monde, et une critique prononcée globalement contre tous les aspects de la vie sociale aliénée. (…) l’organisation révolutionnaire ne peut reproduire en elle les conditions de scission et hiérarchie qui sont celles de la société dominante" (Debord 1967).
Il n’y a que les anonymes qui font progresser, entendez bouger, l’histoire. Dès qu’ils sont nommés, dès qu’ils entrent dans la sphère du pouvoir ou dès qu’ils osent y acter, ceux-là ne font plus que la freiner, l’arrêter et la porter à répétition.
Dans la lecture présente d’un Lénine, un Makhno, un Trotsky ou un Staline, un Mao et un Castro, une même logique historique est retrouvée. Elle appartient à leur passé et se rapporte à l’idéologie, à la lutte idéologique. Elle appartient au maintien par omission d’une même logique. Cette logique est l’opposé du concept révolutionnaire de théorie radicale.
"(…) la théorie radicale pénètre les masses parce qu’elle en est d’abord l’émanation. Dépositaire d’une créativité spontanée, elle a pour mission d’en assurer la force de frappe. Elle est la technique révolutionnaire au service de la poésie. (…) Quand les dirigeants s’emparent de la théorie, elle se transforme en leurs mains en idéologie, en une argumentation ad hominem contre l’homme lui-même. La théorie radicale émane de l’individu, de l’être en tant que sujet ; elle pénètre les masses par ce qu’il y a de plus créatif dans chacun, par la subjectivité, par la volonté de réalisation. (…) Idéologie est le mensonge du langage ; la théorie radicale la vérité du langage ; leur conflit, qui est celui de l’homme et de la part d’inhumain qu’il secrète, préside à la transformation du monde en réalités humaines, comme à sa transmutation en réalités métaphysiques" (Vaneigem 1967).
(Mais) la majorité des critiques reste partisane et stérile.
Le plus souvent, les critiques de gauches ne dépassent pas la polémique et ainsi rejoignent, au sens où elles l’enrichissent, l’idéologie K. Quelles soient pour ou quelles soient contre, elles arrivent au même réservoir de soutien du système établît. Feu Trotsky et feu Makhno restent pour une part des laisser pour compte, au sens où une partie du pouvoir acquis par feu Staline leur a déchu.
Mais peu nous importe de fait la haine et la compassion qu’un mort inspire. Elle importe plus à ceux qui s’évertuent à théoriser, par le révisionnisme ou toutes autres hypothèses, l’État d’un échec. Combien sont-ils, la plupart honnêtes, à s’entêter à prouver la validité de théories dont les pratiques légèrement claustrophobe et paranoïaque ont déterminé son contraire ? Certes très peu et trop peu. Cependant, le faible réconfort qu’ils entretiennent envers leurs militants acquiert la tare d’un discrédit omnipotent dépassant leurs collectifs. Défendre l’idée du complot K ou du tyran contre le presque parfait parti radicalise quelques militants et réconfortent des membres passifs. Mais à quelle fin et pour quelle cause ? Il en est de même pour l’idée d’une presque parfaite révolution aux mains d’un parti comploteur.
Instrumentalisées et détachées de leur contexte historique, ces théories de la lutte idéologique ne luttent plus pour l’unité mais pour la séparation. Elles ne luttent plus pour la révolution mais pour leur théorie de la révolution. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire mais de vivre dans le présent et être apte à le transformer.
La seule question valable à résoudre est celle du pourquoi de la trahison des masses désirantes. Cette trahison ralentit voire suspend la progression de la révolution. Peu importe telle théorie ou tel leader, seule ne doit pas perdurer ni surgir cette désaffection des masses agissantes.
L’autodiscipline, l’indiscipline et la désobéissance civile, la critique idéologique et du dogmatisme, la spontanéité, l’émulation collective et individuelle et l’autoengagement, l’autodégagement ou l’autoimplication, le respect et l’autonomie, etc. sont autant de qualités à acquérir et à perpétuer individuellement et collectivement.