intersiderale - διαστρική

Ezln vs escargots

dimanche 5 octobre 2003, par savate

Le samedi 9 aoĂ »t 2003, Ă minuit l’ArmĂ©e zapatiste de libĂ©ration nationale a dĂ©crĂ©tĂ© la naissance des Conseils de Bon Gouvernement dans les cinq zones territoriales sous son contrĂ´le. Ces Conseils de Bon Bouvernement seront appelĂ©es Caracoles .

Après une longue sĂ©rie de communiquĂ©s, l’Ezln a invitĂ© les indiens zapatistes et la sociĂ©tĂ© civile mexicaine et internationale Ă assister au dĂ©cès des Aguascalientes et la naissance des Caracoles Ă Oventic. Il s’agit d’une nouvelle Ă©tape dans le mouvement zapatiste : la constitution d’un nouveau système de gouvernement autonome et l’annonce publique de sa mise en oeuvre en zone zapatiste.

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Dès le 8 aoĂ »t, des curieux, des militants, des journalistes et des membres des bases de soutien zapatistes, visages masquĂ©s par toutes sortes de cagoules et de foulards, commencent Ă arriver en un flot ininterrompu pour se rassembler dans une atmosphère joyeuse en un campement Ă©clectique et colorĂ©. On plante sa tente , fait connaissance, on mange et on joue au basket. L’arrivĂ©e de la nuit rend les passe-montagnes et les foulards inutiles. Ça discute partout, sous les tentes, les bâches et les auvents, Ă la lueur des lampes de poche, des tisons, des braises des cigarettes, autour des ampoules des buvettes. A minuit le ComitĂ© Clandestin RĂ©volutionnaire Indien (C.C.R.I) arrive pour annoncer le dĂ©cès des Aguascalientes et la naissance des Caracoles. C’est le commandant David qui s’adresse Ă l’assemblĂ©e tout en faisant une pause dans chaque phrase pour les traductions en tseltal, tsotsil, tojolabal et chol . Après cette annonce officielle, on cĂ©lèbre l’Ă©vĂ©nement en dansant jusqu’au bout de la nuit.

Le lendemain, tandis que les uns se rĂ©veillent humides de rosĂ©e , les autres continuent d’affluer par milliers. Dans l’après-midi, un mouvement de foule vers le pavillon installĂ© face au terrain de basket-ball annonce l’arrivĂ©e du C.C.R.I. Les commandant/es David, Rosalinda, Esther, Omar, Fidelia, Tacho, Bruce Li et Zebedeo sortent de nulle part, s’installent sur la scène et prononcent leurs discours.

Le commandant David souhaite la bienvenue : " Nous dĂ©sirons de tout coeur que vous puissiez vous sentir chez vous. Ici, c’est la maison et le lieu de tous ceux qui rĂŞvent un monde plus juste et plus humain, dans lequel tous puissent avoir une place digne toute sa vie"

C’est Rosalinda, une jeune commandante toute jeune, qui prend la parole la première : " Les municipes et communautĂ©s zapatistes l’ont dĂ©montrĂ© dix ans durant, ils sont bons, ils sont costauds, ils savent lutter et rĂ©sister(...) Le mauvais gouvernement ne fait pas attention Ă nous, tant pis pour lui s’il fait des conneries !... Nous sommes en train de construire notre autonomie. Nous faisons un pas de plus. C’est le moment d’y mettre du sien. Et que les femmes ne restent pas en arrière, c’est seulement comme ça qu’on gagnera."

La commandante Esther fait allusion aux accords de San Andres : " MĂŞme si le mauvais gouvernement ne l’ a pas reconnue, c’est notre loi et nous nous dĂ©fendons avec elle. Aussi nous invitons tous les frères et soeurs indigènes Ă se l’approprier et Ă construire l’autonomie."

Le commandantTacho s’adresse aux paysans du Mexique, Omar aux jeunes et Fidelia spĂ©cialement aux hommes "Je ne vous gronde pas, dira-t-elle de son ton maternel, en agitant le doigt : Ecoutez-le bien, ça s’appelle une obligation, le respect qui nous est dĂ » en tant que femmes !"

Enfin que le commandant Brus Li dĂ©balle le Plan La Realidad-Tijuana et Zebedeo annonçe la participation zapatiste aux mobilisations contre l’OMC Ă CancĂşn.

Puis solennellement, tout le monde se dĂ©place jusqu’Ă la maison colorĂ©e qui va accueillir le Caracol de Oventic pour l’inaugurer. Disparus aussi vite qu’ils n’Ă©taient apparus , les commandants laissent place Ă la fĂŞte : on tire un feu d’artifice et le bal commence.

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Le discours du commandant Brus Li rĂ©sume bien la lutte politique des zapatistes : il naĂ®t comme une "rĂ©ponse aux plans que la classe politique prĂ©tend mettre en Ĺ“uvre dans le pays". Celui-ci comprend sept accords et sept requĂŞtes.

Les sept accords concernent, entre autres,le respect de l’autonomie et l’indĂ©pendance des organisations sociales ; la promotion de formes d’autogouvernement et d’autogestion sur tout le territoire national ; la formation d’ "un rĂ©seau de commerce de base " entre les communautĂ©s et la promotion de "la consommation des produits de base dans les commerces locaux et nationaux " Quant aux sept demandes, elles concernent notemment la dĂ©fense de la propriĂ©tĂ© communautaire et communale de la terre et la protection et la dĂ©fense des ressources naturelles ; le travail le logement digne pour tous ; le respect de la dignitĂ© de la femme, des enfants et des personnes âgĂ©es.

Le respect de l’autonomie est l’une des principales demandes de l’EZLN . Selon les Accords de San AndrĂ©s, signĂ©s par l’EZLN et le gouvernement en fĂ©vrier 1996, cette autonomie se dĂ©finit comme l’exercice du droit des peuples Ă disposer d’eux-mĂŞmes sur les territoires qui ont Ă©tĂ© leur habitat traditionnel . Outre les niveaux de gouvernement (par exemple municipal), l’autonomie des Accords de San AndrĂ©s spĂ©cifie des compĂ©tences (exĂ©cutives, lĂ©gislatives ou judiciaires) qui l’habilitent, par exemple, se charger de programmes alternatifs en matière d’Ă©ducation, de santĂ©, de justice, etc. A ce qui est explicitement mentionnĂ© dans les Accords, l’EZLN ajoute des programmes de production agro-Ă©cologique (sans OGM, respectant la biodiversitĂ© et combattant la biopiraterie), et de commercialisation alternative en gĂ©nĂ©ral de forme coopĂ©rative.

"Le Caracol reprĂ©sente le fait d’entrer dans le cĹ“ur et de sortir du cĹ“ur vers le monde (...) Les Caracoles seront comme des portes pour entrer dans les communautĂ©s et pour que les communautĂ©s sortent ; comme des fenĂŞtres pour nous voir dedans et pour que nous voyions dehors ; comme des amplificateurs pour emporter au loin notre parole et pour Ă©couter celle de celui qui est loin".

Le Caracol, l’escargot, ce n’est pas une rĂ©volution, c’est une spirale. La spirale est une rĂ©fĂ©rence de longue date des zapatistes pour dĂ©crire leur action : expansive, elle balaye large, elle tourne sans cesse, et pourtant pas en rond. Elle Ă©chappe au cercle rĂ©pĂ©titif de la tradition, brise l’encerclement et la routine. Evolutive, jamais fermĂ©e, elle n’a ni intĂ©rieur ni extĂ©rieur, elle va et vient du dedans au dehors, inspire et expire, rayonne et absorbe, rassemble et dissĂ©mine .MĂŞme si il n’est pas rapide, l’escargot est autonome. Il se nourrit par les pieds et sĂ©crète sa maison. Sa signification symbolique est inscrite dans la culture maya. Nocturne et patient, il illumine le chemin, disent les anciens, laissant sa marque de bave brillante ou se reflète la lune.

Ce qui a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© et promulguĂ© Ă Oventik avec la crĂ©ation des Caracoles c’est donc un regroupement qui concerne toutes les municipes autonomes. Leur mission principale est de coordonner leur dĂ©veloppement, c’est Ă dire rendre visible l’autonomie et lui donner une certaine cohĂ©rence.

Les municipes autonomes jouissent de l’appui et des services rĂ©gionaux des Caracoles qui leur Ă©pargneront les bavures de leurs dĂ©buts difficiles. En effet, lors de la construction des municipes autonomes, tout n’a pas toujours fonctionnĂ© au mieux, les relations entre les zapatistes et les organisations de solidaritĂ© mexicaines ou internationales ont parfois Ă©tĂ© tendues. Très remarquĂ©, l’arrivage d’une seule chaussure Ă talon rose , dans un "colli d’aide" a servi d’exemple pour signifier que les zapatistes ne veulent plus servir de poubelle pour des ordinateurs cassĂ©s ou des mĂ©dicaments dont la date d’expiration est dĂ©passĂ©e alors qu’ils ont plutĂ´t besoin d’eau propre et de bibliothèques.

C’est pour remĂ©dier Ă ce type de ratĂ©s que les Conseils de Bon Gouvernement seront aussi des assemblĂ©es d’arbitrage et de conciliation, de rĂ©partition des finances extĂ©rieures, et cela, non selon les critères des donateurs mais selon les leurs. DorĂ©navant, un "impĂ´t fraternel" sera prĂ©levĂ© et reparti de manière Ă©quitable pour soutenir un village dont les nĂ©cessitĂ©s n’avaient pas encore Ă©tĂ© prises en compte, par exemple.

Enfin, bien que l’EZLN se charge clairement de rĂ©pondre militairement aux manoeuvres hostiles des paramilitaires qui menacent encore les municipes autonomes, le CCRI dĂ©clare avoir terminĂ© son rĂ´le de supplĂ©ance et n’interviendra donc plus dans la marche interne du politique. Ainsi, les Commandants du CCRI ont clairement exprimĂ© que si l’un d’eux a des aspirations aux gouvernements autonomes, il doit renoncer aux charges d’organisation qu’il occupe au sein du Commandement de l’EZLN parce qu’il ne peut y avoir d’interfĂ©rence entre les niveaux de gouvernement. Les autonomies n’ont plus le droit de faire intervenir les miliciens pour faire respecter leurs dĂ©cisions parce que, dorĂ©navant, ces dernières devront ĂŞtre purement politiques et inspirĂ©es par la raison, non par la force, compĂ©tence exclusive de la commandement militaire.

La grande nouveautĂ© est la rupture du silence. L’autonomie se vit dĂ©sormais hors de la clandestinitĂ©, la rĂ©sistance devient publique et ouverte. La fin de l’exercice du pouvoir de l’Ezln sur les municipes va bien dans le sens d’une dĂ©militarisation du zapatisme.Tout se passe comme si l’armĂ©e zapatiste suggĂ©rait au gouvernement que la solution la plus simple pour tous serait l’application des Accords de San AndrĂ©s.

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