Lors de notre participation à différents collectifs, que ce soit sous forme de laboratoire de réflexion ou sous forme d’interventions sociales, nous avons pu remarquer combien la communication à l’intérieur et à l’extérieur est un nÅ“ud central. On peut dire que la communication est centrale non pas simplement parce qu’elle est vécue comme bonne, mauvaise, difficile, aisée pour les différents membres du collectif, mais parce qu’elle est constituante du collectif, créatrice de son mode de faire, de dire et d’être. Et lorsque nous travaillons sur la communication, nous constatons à chaque fois nos limites. Il y a un manque d’outils et de savoir-faire évident. A partir de là , nous avons réfléchi sur la démarche à adopter pour construire un laboratoire de médias indépendants à Liège. Notre attitude est de commencer à user concrètement de ces médias, d’entrer à l’intérieur de leurs univers, de se connecter à d’autres réalités. C’est autant l’usage des NTIC, à l’intérieur de nos différents collectifs, que la rencontre et l’analyse d’autres projets de médias indépendants, qui nous permet de penser et de construire notre projet ainsi que de formuler un certain nombre de critiques et d’hypothèses de travail.
Aujourd’hui, le mediactivisme est un phénomène international ; c’est une sorte de réseau mondial interconnecté, formé de flux d’informations, de programmeur-e-s, journalistes, écrivains, vidéastes, photographes... Si nous voulons construire un projet media sur le territoire où nous vivons, ce n’est pas seulement parce que le mediactivisme est un phénomène social et politique mais avant tout parce que la pratique et l’analyse du mediactivisme nous poussent à constater que celui-ci représente bel et bien un laboratoire d’innovation sociale. L’univers mental et social du mediactivisme, dont nous n’apercevons qu’un embryon, est chargé de potentialités radicalement innovantes. Nous avons pu constater qu’il s’agit non seulement de s’approprier, par le bas, des moyens de communication tel que internet, radio ou télévision, mais également de faire de ces médias des lieux où sont expérimentées d’autres cultures et où prennent vie de nouveaux modèles sociaux. Ce qui ne manque pas d’engendrer d’autres difficultés et d’autres problèmes, dont la prise en compte est fondamentale afin d’éviter les pièges dans la construction de notre projet. A l’heure actuelle, les NTIC permettent de transcender le simple droit à l’information pour tous en proposant et en appliquant le droit à l’autogestion de l’information et de la communication. C’est à dire qu’il est possible pour nous de construire un projet où la manière de faire et d’être un/des media(s) soit la métaphore, le modèle, l’étape fondamentale de la manière de faire, de dire et d’être une/des société(s).
Néanmoins, la réalité du médiactivisme est marquée par le caractère autoréférentiel et élitiste du milieu. Beaucoup de projets médias, qui ont émergé ces dernières années ont été construits en réseau et sur le Réseau des réseaux. Dans ces projets nés sur Internet, les technicien-ne-s, les webfiles ??? ont un rôle central. Il/elles ont développé une grande capacité d’innovation, tant technique que comportementale. N’oublions pas que la technologie, comme les institutions et l’architecture, produit de l’idéologie, des idées, des comportements. Le danger existe pour ces nouvelles figures de tomber dans un technonarcissisme, de former un véritable « milieu  » qui s’accommode mal de sensibilités sociales différentes. On a déjà rencontré le cas de militant-e-s qui se désengageaient progressivement de projets média parce que pas mal de réunions et de problèmes se tenaient et se réglaient en irc (internet relay chat, communication en temps réel via le clavier) dans un jargon incompréhensible pour l’utilisatrice et l’utilisateur lambda. Leur sensibilité aurait préféré qu’une partie de ces réunions et de ces problèmes se règlent autour d’un verre. Pour nous, comme prémisses à la construction d’un projet média, il y a la prise en compte de la nécessité de produire une convergence entre les différentes sensibilités sociales plus classiques et les technophiles.
Bien que le monde des médias indépendants en soit de plus en plus conscient, un autre gros problème souvent rencontré est la vision un peu étroite du rôle des médias indépendants basé sur les NTIC. Tout le monde s’accorde pour dire qu’aujourd’hui, les médias ne sont pas simplement des moyens de communication, mais le champ de batailles politiques, idéologiques ou culturelles, le théâtre de l’imagination collective, le miroir et la projection de la structure et de la construction sociale. Nous avons pu observer que trop souvent la bataille sur la communication se réduit à une bataille pour une information vraie, objective et indépendante. Nous pensons que l’enjeu réel pour des collectifs, des quartiers, des communautés est plutôt de se réapproprier les médias, en tant que moyens de production de besoins, de désirs et de relations, plutôt qu’uniquement comme moyens de représentation. Que ce soit pour des télévisions de quartier, des radios, des sites d’infos indépendants, leur stratégie ne doit pas passer via le contrôle des infrastructures de transmission par des militants gentils, mais plutôt par la construction de plate-formes de communication alternative, d’une autre narration collective, d’autres contenu, non tant informatifs mais plutôt moteurs de désir et de communauté. Plus que libre, la communication doit être créative. Se limiter à faire de l’information indépendante ne suffira pas à arrêter la puissante machine de fascination et d’imagination qui fonde le pouvoir néolibéral. Notre projet se doit donc de dépasser le cadre de l’information indépendante pour produire, sur un territoire donné, de nouveau type de relations, du commun, de nouveaux « mythes  » de société.
C’est à partir de ces deux critiques que nous pouvons penser un laboratoire de medias indépendants comme projet social sur Liège, un projet média qui soit un projet d’éducation permanente, ouvert sur un territoire et ses actrices-acteurs, sur les quartiers et les associations qui les font vivre. Quelque chose qui déborde le simple service, qui constitue une autre manière de vivre son quartier, sa ville, sa communauté urbaine ; un autre lien avec des communautés plus éloignées. Ce laboratoire de médias indépendants qu’est blablaXpress est construit sur 3 axes de travail :
les projets pédagogiques d’usage
A l’intérieur de ces 3 axes, nous avons développé plusieurs analyses et hypothèses de travail ainsi que la possibilité d’évaluation des hypothèses.