L’Empire se matérialise sous nos yeux. Au cours des dernières décennies, avec l’obolition des régimes coloniaux et plus vite encore après l’effondrement final des barrières soviétiques devant le marché du monde occidental, nous avons assisté à une irrésistible et irréversible mondialisation des échanges économiques et culturels. A côté du marché mondial et des circuits mondiaux de production ont surgi un ordre mondial, une logique et une structure nouvelles de pouvoir - en bref, une nouvelle forme de souverainété. (...)
Beaucoup avancent que la mondialisation de la production et des échanges capitalistes signifie que les relations économiques sont devenues plus indépendantes du contrôle politique, donc que la souveraineté politique a décliné. (...) D’autres, au contraire, la déplorent parce qu’elle ferme les voies institutionnelles par lesquelles travailleurs et citoyens pouvaient influencer ou contester la logique froide du profit capitaliste...
L’Etat-nation a de moins en moins de pouvoir pour réguler ces flux et imposer son autorité sur l’économie.
Même les Etats-nations prédominants ne doivent plus être considérés comme des autorités suprêmes et souveraines, que ce soit hors de leurs frontières ou même à l’intérieur de celle-ci.
Toutefois, le déclin de la souveraineté des États nations ne signifie pas que la souveraineté a décliné en tant que telle.
Notre hypothèse fondamentale est que la souveraineté a pris une forme nouvelle, composée d’une série d’organismes nationaux et supranationaux unis sous une logique unique de gouvernement.
Cette nouvelle forme mondiale de souveraineté est ce que nous appelons l’Empire.
T.Negri