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Courant alternatif

Bruxelles : bilan rapide de la mobilisation ?

mardi 8 janvier 2002 (Date de rédaction antérieure : 4 janvier 2002).

Les 14 et 15 décembre, l’Union Européenne réunissait ses 15 gouvernements au château de Laeken. Le mouvement antiglobalisation avait choisi de converger sur Bruxelles pour réaffirmer ses objectifs, après le violent sommet du G8 l’été dernier à Gênes.

4 Jan 2002

Quels enjeux immediats

Bien sûr la contestation de ce sommet permettait d’évaluer le poids du mouvement antiglobalisation : stagnation, déclin ou développement, quelles capacités d’autonomie et de critique, après la violente répression dont les manifestations de Gênes avaient fait l’objet, mais aussi après le 11 septembre, la propagande pro-américaine et la guerre en Afghanistan ? Le développement et la radicalisation notable des conflits sociaux au cours de l’automne, accompagnant la stagnation-récession de l’économie, pouvaient éventuellement rencontrer les préoccupations antiglobalisation. La question de la répression, après les mesures liberticides adoptées par la plupart des gouvernements européens dans la « guerre contre le terrorisme », était aussi posée.
Un sommet de l’UE n’est pas un sommet du G8, il n’attire pas les mêmes collectifs. Aussi Bruxelles 2001 a drainé le même nombre de contestataires que Göteborg ( précédent rendez-vous UE en juin ) et plus que Nice (décembre 2000), dans un pays peu enclin aux passions politiques, où la gestion des tensions s’apparente souvent à un « compromis à la belge », selon l’expression locale...

LE JEUDI

Comme à Nice, les états-majors ont pris soin d’offrir le moins de rencontres possibles entre les différents protestataires. La manif des syndicats européens (CES) était fixée en milieu de semaine le jeudi 13 décembre avec un chiffre de 80 000 prévu, des quotas de participation respective de chaque syndicat débattus à l’avance par les directions et un parcours respectueux des zones rouges, pour permettre aux salariés bénéficiant de préavis de grève d’un jour et de bus affrêtés par les syndicats de faire l’aller-retour dans la journée encadrés par leurs services d’ordre. Il y eut effectivement 80000 personnes... Il faut savoir que les salariés belges sont syndiqués à 80 % dans des centrales encore moins combatives que dans l’Hexagone (taux français de syndicalisation : 8%). Les bureaucrates syndicaux ne veulent surtout pas revoir se mélanger leurs troupes et la frange contestataire, comme lors de sommets comme Seattle ou d’autres, qui avaient vu débats spontanés et fraternisation...

LE VENDREDI

Le vendredi 14 décembre - premier jour du sommet - le cartel D14 regroupant des ONGs, certains syndicats de la veille comme SUD et diverses associations ou groupes politiques, rassemblait environ 25 000 personnes. Si ATTAC, en tête de manif ne représentait que 3 à 400 manifestants (certes très visibles avec leurs fanions affichant un pourcentage pour revendiquer des taxes), la surprise venait du cortège libertaire, très international, qui incarnait un peu l’unité dans l’action. Coincé entre celui du PTB (Parti des Travailleurs Belges (1)) et des trotskystes anglais, le cortège libertaire regroupait près de 4000 personnes, jeunes, encagoulés ou non, portant drapeaux noirs, A cerclés ou diverses pancartes artistiques. En tête venaient quelques 200 militants organisés, regroupés derrière leurs banderoles respectives d’organisations.
Le petit cortège de la Marche Internationale des Résistances Sociales, censée être la première étape d’une mobilisation qui se concluera en juin à Seville, laissait dubitatif ; en tout et pour tout, la cinquantaine de personnes badgés avec les sigles des organisations de chômeurs (AC !, APEIS, MNCP, etc.) ou d’organisations syndicales (SUD) semble indiquer que cette initiative n’a pas beaucoup d’écho à la base et regroupe surtout pour le moment permanents et syndicalistes... Les luttes sociales n’étaient représentées que par 200 membres de la SABENA (société aérienne de Belgique), en cours de restructuration. Les sans-papiers de Bruxelles étaient malheureusement très discrets dans le cortège.
Le parcours de la manifestation D14, autorisée, était là encore sans surprise, évitant soigneusement les concentrations policières, les zones rouges et les objectifs potentiels. On était loin des buts affirmés sur les programmes de D14 : « ...Cordon sanitaire autour de Laeken / journée d’actions ; que notre voix retentisse sur Laeken... », qui sous-entendaient clairement une volonté d’encercler, sinon de bloquer le château de Laeken, lieu du sommet. Au contraire, des « modérateurs » en ciré jaune étaient très présents et intervenaient à la moindre vélléité de mouvement. Quelques rares vitrines de banques furent étoilées, deux Mercedes et un commissariat désaffecté un peu chahutés. Mais alors que la manifestation rentrait lentement sur les lieux du meeting final (le centre de convergence Tours et taxis), ou se défaisait tranquillement vers le centre, les flics et un canon à eau bouclaient le quartier en provoquant quelques échauffourées, forçant alors les personnes qui souhaitaient s’en aller à se faire fouiller et même filmer. Des « équipes légales », mises en place pour surveiller les débordements de la police, furent notamment arrêtées. On peut se demander pourquoi une telle manoeuvre en fin de manifestation, à part le fait de vouloir signifier très clairement aux manifestants que le parcours autorisé étant terminé la police ferait comme bon lui semble, quitte à bafouer la liberté de circulation dans la rue. Cette tactique policière résulte probablement de décisions arrêtées lors du sommet de La Haye, début octobre, entre les différents ministres de l’intérieur de pays qui avaient connu de tels sommets, afin de se « coordonner » pour autoriser les manifestations « démocratiques » mais empêcher toute autre action qui se grefferait ensuite. Les arrestations à Bruxelles ont eu lieu en fin de manifestation, mais aussi dans le métro, la rue, aux frontières, dans les gares, les squatts ouverts pour héberger les gens extérieurs... Cette « guerre » de basse intensité pour expulser ou mettre les manifestants en position défensive permanente ira probablement en se précisant, avant et après les prochains rendez-vous, puisque Bruxelles sera le siège des sommets européens, deux fois par an à partir de 2004.

LE SAMEDI

Le samedi 15 décembre, trois appels se recoupaient. En début d’après-midi, la manifestation anarchiste (annoncée depuis cet été au nom d’une coordination européenne anarchiste, un peu floue au niveau des signataires) rassemblait de nouveau prés de 4000 personnes de nationalités diverses, démontrant sans ambages la réalité d’une composante libertaire conséquente, essentiellement hors organisation. Au même moment, le cartel D14 emmené par les stals du PTB appelait à une manifestation pour la paix d’environ 2000 personnes à laquelle la CNT française, la SAC suédoise, la CGT espagnole se ralliaient... Les deux cortèges appelaient à se joindre finalement en fin d’après-midi à une street party, organisée sur le modèle des anglais de Reclaim the streets à l’initiative du collectif Bruxxel (nous en reparlerons plus bas). Il faut noter que la manif anar, dont le parcours avait été déposé et autorisé, devait être plus grosse que ne l’avaient prévue les flics, puisqu’ils firent tout pour ne laisser aucun groupe divaguer en centre ville et pour canaliser la totalité des manifestants jusqu’au démarrage de la street party ! !
Cette fameuse party, même si elle fut très conviviale, fut tout à fait discrète, sillonnant des petites rues autour de la gare du midi pour finalement être bloquée une heure et demie de toutes parts par les barrages de flics anti-émeute. Finalement, après négociations, elle s’acheva sur une place sans casse, au son de la techno !...

Bruxxel

Ce collectif d’individus déjà impliqués dans des mouvements (soutien aux Sans-papiers, collectif sans ticket) voulait dénoncer la régression sociale et politique à laquelle conduit à tous les niveaux la politique de l’UE. Pour rompre avec une certaine ritualisation de la contestation des sommets, Bruxxel voulait inscrire ses pratiques dans la durée avant et après ; en particulier en occupant dés le 13 octobre une vieille gare désaffectée située devant le Parlement européen et menacée de destruction par la politique de rénovation des quartiers populaires pour loger les eurocrates. Pour favoriser l’émergence de pratiques critiques (entre autres comme des émissions de radio sur la globalisation, diffusées pendant trois jours sur 4 fréquences), cette gare s’est transformée en espace d’informations et de convergence autonome. Le choix d’une street party le 15 voulait rompre avec une pratique militante classique, et en tournant le dos au château de Laeken se balader dans les quartiers populaires pour rencontrer les habitants... Bruxxel mettait l’accent sur le fait de manifester sans autorisation, sans susciter l’affrontement pour « affirmer un lieu de puissance politique et créatrice, libre de spéculation, de marchandisation, de répression... ». « Rendre visible les invisibles », en référence aux zapatistes ( ?), Bruxxel voulait mettre l’accent sur tous les aspects de la vie qui sont négligés ou niés par le système capitaliste, son utilitarisme et sa fonctionalité totalitaires.

Un bilan provisoire

Ce ne fut pas Waterloo, mais ce ne fut pas Prague, Québec ou Gênes pour la force et la détermination des cortèges à affronter les symboles et les forces du capital. Si ce sommet annonce les futures rencontres de l’UE à partir de 2004, la formule mérite d’être repensée.
Déjà, le saucissonage des différentes manifs (syndicats, ONGs, radicaux, street party) empêche que toutes les forces se retrouvent réunies, si ça peut être utile à un moment donné, limitant l’impact de chacune et facilitant le contrôle policier.
Les médias, qui ont probablement eu la consigne de ne pas battre le rappel autour du sommet, ont donné un poids démesuré à une structure comme Attac, qui à quelques centaines de participants se retrouve en leader d’un cartel comme D14, sur une position néo social-démocrate de demande d’intervention étatique.
Un pôle anticapitaliste et antiautoritaire (un certain nombre de plateformes politiques existent déjà et peuvent resservir avec des adaptations), sans définition idéologique « anarchiste  » étroite était possible. Il aurait permis de s’émanciper des staliniens du PTB comme des réformistes d’ATTAC, pour exister politiquement en trouvant une articulation souple entre les différentes composantes (pour que chacune puisse mener ses actions privilégiées si elles le souhaitaient). Un tel pôle aurait également permis de structurer un conseil quotidien des déléguéEs de groupes (affinitaires ou politiques) pour gérer la logistique, moduler les initiatives de chaque journée selon la situation et les rapports de force. Nous étions collectivement totalement désarmés et désorganisés en cas de matraquage systématique qui aurait pu survenir à plusieurs moments. La leçon de Gênes n’a pas porté. Sans tomber dans un pacifisme bêlant ni dans un militarisme obsessionnel, un tel conseil de déléguéEs permettrait, peut-être, d’élaborer une intelligence collective du mouvement. Espérons qu’un futur sommet permettra une telle initiative.

Gérald - le 22/12/01

Note (1) Parti mao&iulm;ste stalinien, possédant parc immobilier, maisons médicales, salariés, etc, et une pratique marxiste-léniniste de noyautage systématique des collectifs, dont D14 et Indymédia-Belgique auraient fait les frais.

Voir en ligne : A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O

P.-S.

Article tiré de "Courant alternatif" n°115, janvier 2002. Journal disponible dans les maisons de la presse, dans certaines librairies et par abonnement.
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