Notre génération a échappé à la grande usine. C’est une chance. Mais c’était pour se retrouver chômeurs au travail, travailleurs sociaux, journalistes, enseignants et techniciens freelances ou intérimaires de la vente et de la logistique, intermittents du spectacle et intermittents de la société du spectacle. Bref, ce que d’autres appellent les BTS (banlieusard/es du travail salarié), invisibles, jouissant d’une sécurité sociale de moins en moins en phase avec leurs formes de vies et luttant de moins en moins à l’usine et de plus en plus sur les frontières, les axes de communication, dans les chaînes commerciales, les corps, les désirs, les métropoles et ses banlieues Le cauchemar quotidien des BTS s’appelle employabilité, mobilité réduite, accès difficile aux logements et aux savoirs. Boulot étudiant, plan rosetta (convention premier emploi), formation obligatoire, inscription obligatoire dans les agences intérim, preuve de recherche d’emploi deviennent les conditions pour garder accès à un revenu. La précarité des travailleurs s’organise à partir de l’attaque des droits des chômeurs.
C’est dans ce contexte que le collectif Cybermandaï-e-s est créé en 2002. Né de la rencontre des mutants de l’intersidérale, des sans-tickets, des chômeurs pas chien, d’activistes solitaires et artistes liégeois, le collectif tente à travers l’agitation sociale, la création d’évènements sur Liège de rendre visible les nouvelles formes de travail et la spécificité de ses revendications (Cybermandaï-e-s). L’expérience se poursuivra jusqu’en 2004. A partir de là ou à côté, vont naître différents collectifs : squatteurs, mediactivistes, pink, étudiants, anti-pub. L’année 2005 a été marquée par les l’émergence d’un syndicat étudiant et de collectifs de thérapeutes de l’écologie mentale.
Alors que les concepts dominant l’enseignement sont l’employabilité, la compétitivité, la mobilité et la rentabilité, des voix discordantes se font entendre. Le syndicat autonome des étudiants liégeois (SAEL) est né de la lutte pour la défense des aides sociales et l’opposition aux mesures de rationalisation de l’enseignement supérieur. S’étant attelé à une production intellectuelle sur la situation de l’enseignement supérieur, le coà »t des études et la place des étudiants dans l’université et la société, le SAEL vise à la politisation des étudiants et à l’action sous des formes créatives.
La publicité a pris le pas sur le cinéma dans la production d’idéologies dominantes. Omniprésentes, intrusives, insidieuses, les techniques de neuro-marketing s’invitent de plus en plus profond dans nos imaginaires. Quelques barbouilleurs rebelles organisés et autonomes, et même certains activistes institutionnels, battent en brèche cet état de fait.
Les magasins, centres commerciaux et événements culturels à finalité commerciale occupent l’espace public. Par la création spontanée et ponctuelle de magasin gratuit autour des centres commerciaux, le pinkypopblock dénonce la surconsommation et sa face cachée, la précarité du travail.
Issus de ces différents collectifs, nous avons entamés un travail commun et des actions communes. Nous sommes sur un processus de réflexion et de création d’un lieu commun où la culture media/pink/green/anti-pub/précaires rebelles puisse travailler, exposer, rencontrer. A partir de ce lieu, nous pourrons travailler sur le long terme, institué quelque chose qui reste au-delà des aléas de la militance, des générations. Mais surtout produire un mouvement large à partir de ce qui existe déjà , l’anti-pub, la décroissance, le médiactivisme, tout mouvement pour qui le travail/consommation ne se joue pas dans une perspective salariale, qui puisse s’extirper du discours sur l’employabilité et qui puisse produire de l’autonomie et un discours politique intelligible pour tous.